Bernard Voutat nommé professeur honoraire de la Faculté des SSP

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Juin 2024

Né le 16 septembre 1958, Bernard Voutat a grandi à Tavannes, une commune du Jura bernois. Parmi les très rares élèves du gymnase de Porrentruy à entamer des études supérieures, il obtient en 1980 une Licence en Science politique à l’Université de Lausanne, puis une Licence en droit à l’Université de Genève (1983).

Observateur attentif de la « cause jurassienne », il y consacre son doctorat en Science politique dans une analyse sociohistorique des ressorts de cette construction identitaire à base territoriale. Soutenue en 1991 sous la direction du Professeur François Masnata, sa thèse « Espace national et identité collective. Pour une sociologie politique du conflit jurassien » reçoit le Prix « François Hauser » décerné par le Rectorat de l'UNIL. Entre-temps, au sein de l’Institut de Science Politique, il a enchaîné les postes académiques (assistant et premier assistant des Professeurs Roland Ruffieux et François Masnata) avant d’y être nommé maître assistant (1991-1999).

Tiraillé entre les sciences sociales et le droit, la théorie et la pratique, l’engagement et la distanciation, il accepte la délicate mission de Chef du projet de révision totale de la Constitution vaudoise auprès du Département des institutions et des relations extérieures (DIRE) entre 1996 et 2003, réduisant alors à 50 % son cahier des charges à l’UNIL. Professeur associé en science politique (2000) puis professeur ordinaire à partir de 2010, Bernard Voutat y déploie, tout au long de sa carrière, un très fort investissement institutionnel, d’abord comme directeur du Diplôme d’Études Approfondies de science politique (2001-2004), vice-Doyen (2003-2005) et Doyen de la Faculté des Sciences Sociales et Politiques (2005-2008), puis en tant que co-Directeur, avec Francesco Panese, du Collège des humanités à l’EPFL (2008-2012) et, enfin, comme Directeur de l’Institut d’Études politiques, historiques et internationales (IEPHI) entre 2014 et 2016. Il n’a eu de cesse de défendre son attachement à l’institution, à ses missions et au sort de ses membres. Ses engagements ne se limitent pourtant pas à l’Université, et sa fibre militante trouve à s’exprimer dans une série de luttes qui scandent la vie de la cité, de la défense des locataires au gymnase du soir en passant par l’accueil des migrants.

Ses principaux axes de recherche, concrétisés par de nombreuses publications et expertises scientifiques, peuvent se décliner de la sorte : sociologie et socio-histoire des institutions politiques, juridicisation de la société, identités collectives et mobilisations politiques, histoire et épistémologie de la science politique. Qu’il s’agisse d’étudier les usages du droit dans une action collective, les débats parlementaires afférents à la réforme totale de la Constitution fédérale, l’émergence de la science politique à l’UNIL ou le scandale des fiches, sa démarche se veut fidèle à une perspective de sociologie politique, soucieuse de retracer la genèse des phénomènes sociaux, abordés en tant que processus faits de relations, en constante évolution, mêlant conflit et coopération. Cette manière relationnelle d’envisager le politique, particulièrement développée dans l’espace académique français quoique longtemps très marginale en Suisse, d’abord adoptée par François Masnata, l’un des premiers « importateurs » des travaux de Pierre Bourdieu, trouvera à Lausanne, notamment par les soins de Bernard Voutat, un écho spécifique. Avec ses collègues Mounia Bennani-Chraïbi et Olivier Fillieule, il figure en 2002 parmi les principaux fondateurs du Centre de recherche sur l’action politique de l’Université de Lausanne (CRAPUL), l’une des premières unités de recherche de la Faculté, qui très vite multiplie les conférences et séminaires, un modèle qui essaimera en SSP.

Sur le plan de l’enseignement, Bernard Voutat a aussi beaucoup donné de sa personne. A quelques exceptions près (chercheur invité à l’Institut universitaire européen de Florence en 1993-94, quelques séjours aux Universités de Paris I et Paris X-Nanterre), il a enseigné à l’UNIL sans interruption depuis 1981 et ce à tous les niveaux d’études (BA, MA, doctorat, formation continue, etc.). Habitué aux cours magistraux en propédeutique, celui d’Institutions politiques et droit constitutionnel fut continûment délivré sous cet intitulé de 2000 à 2024, Bernard Voutat a ainsi contribué à la formation d’un grand nombre de cohortes d’étudiant·e·s. Pour beaucoup de Lausannois, il n’est d’ailleurs par rare en discutant avec des connaissances de découvrir qu’elles ont également suivi un ou plusieurs de ses enseignements. En Master, ses cours et séminaires sur la sociologie de l’action collective et la sociologie du droit et des institutions politiques ont préparé la relève de la recherche en science politique. Son empreinte sur les étudiant·e·s va au-delà de la centaine de mémoires qu’il a supervisés ou expertisés et de la dizaine de thèses de doctorat qu’il a dirigées, puisqu’il a aussi souvent pris en charge l’atelier des mémorants inscrits à l’IEP.

Bon vivant, amène, entier et généreux, Bernard Voutat s’est aussi distingué par son verbe, mélange détonant de discours d’institution et de franc-parler populaire, et ses prises de position, parfois ses coups de gueule, en conseil de l’IEP, conseil de Faculté ou durant les séances du CRAPUL, ont marqué les esprits. Sa convivialité, ses traits d’humour et son penchant pour l’auto-dérision ont toujours facilité le dialogue, indépendamment du statut de ses interlocuteur·trice·s. Donnant à voir ses contradictions, ses forces et ses faiblesses, il nous a enrichi d’une grande part de son humanité.

Hervé Rayner

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